Double Dorjé - sct.: Vishvavajra - tib.: Dorjé Gyatram
Notre propre Nature
de Bouddha
Double Dorjé - sct.: Vishvavajra - tib.: Dorjé Gyatram

La nature propre de bouddha est latente en chacun des êtres sensibles. Toutefois, pour qu'elle se manifeste et atteigne son plein potentiel, il est nécessaire que les causes et les conditions à son développement soient mises en place. Notre nature de bouddha agit comme la cause du développement de toutes les qualités et mène ultimement au développement de la boddhicita et à l'atteinte de la bouddhéité totale.

On retrouve différentes explications de cette nature de bouddha selon les différents degrés de profondeur des quatre grandes écoles philosophiques du bouddhisme[1], soit le Vaibashika, le Sautrantika, le Chittamatra et le Madhyamika. Les deux premières regroupent les pratiquants du petit véhicule (Hinayana), c'est-à-dire les Auditeurs et les Réalisateurs solitaires, tandis que les boddhisatvas, pratiquants du grand véhicule (Mahayana), se retrouvent dans les deux dernières écoles. Ces quatre écoles sont classées en ordre croissant de profondeur philosophique. Plus on approfondit le raisonnement, plus on trouve des lacunes dans les premières écoles, jusqu'à ce que, ayant dissipé toutes les inconsistances philosophiques, on en arrive à la philosophie finale de la pensée du Bouddha, l'école du Madhyamika ou de la Voie du milieu.

Si le Bouddha est omniscient, pourquoi a-t-il enseigné ces différents niveaux de pratique plus ou moins profonds, demandera-t-on. Ayant vu que les différents êtres possèdent des capacités et des aspirations différentes et poursuivent ainsi des pratiques et des objectifs variés, le Bouddha, dans son grand amour et sa grande compassion, a enseigné différents niveaux ou véhicules à ces différents pratiquants. Par exemple, des enfants issus de mêmes parents et vivant dans le même contexte seront tous différents, avec des goûts et des capacités différentes. Le parent, bien qu'il vise le bonheur de tous ses enfants également, devra s'adapter à leurs besoins différents pour que tous s'épanouissent pleinement.

Selon l'école du Madhyamika, notre conscience présente est la continuation logique de notre conscience passée et c'est également elle qui atteindra dans le futur le parfait état de bouddha. Notre personne se transforme avec le temps, mais c'est toujours le même courant de conscience qui se perpétue moment après moment. Lorsque l'on a 10 ans, 40 ans ou 80 ans, si on dit JE, cela désigne toujours le même individu; ce sont seulement les caractéristiques de notre personne qui changent.

Notre nature profonde est pure, sans tâche, claire et omnisciente. Telle une rivière qui coule et dont la nature reste toujours celle de l'eau, la vie passe mais notre esprit demeure toujours dans sa nature claire et lumineuse. Les émotions perturbatrices qui dérangent notre paix intérieure ne sont pas de la nature de bouddha et ne font que voiler temporairement notre nature intrinsèque. De la même manière, le soleil brille toujours d'une grande lumière, mais parfois les nuages obscurcissent le temps, ce qui nous fait penser qu'il ne fait pas soleil. C'est une erreur, le soleil est toujours là, mais il arrive que les nuages nous voilent temporairement sa vraie nature.

Comment pourrait-on développer des qualités telles que l'amour, la compassion et la sagesse si elles n'étaient pas déjà présentes dans notre nature de bouddha? Si quelque chose peut se développer, c'est que la graine, la cause, doit nécessairement être là. Sans graine, comment une plante pourrait-elle pousser? Sans la nature de bouddha, comment pourrions-nous développer toutes ces qualités?

Tous les êtres sensibles la possèdent, même les minuscules insectes. Elle est une source précieuse de qualités, sommeillant sous le voile des afflictions mentales. Bien qu'une propre nature de bouddha soit toujours présente, ce n'est qu'en développant notre autre nature de bouddha, la nature de bouddha à porter à maturation, que l'on parviendra à l'omniscience. Par l'écoute, la réflexion et la méditation sur les enseignements, nous pourrons porter à maturation cette nature cachée. En complétant l'accumulation de mérites nous atteindrons les deux corps de forme d'un Bouddha: le corps de jouissance (Shambogakaya), subtil, qui apparaît aux boddhisatvas et le corps d'émanation (Nirmanakaya) qui apparaît sous forme humaine. L'accumulation de sagesse, nous procurera le corps de vérité et le corps de sagesse d'un bouddha. Nous atteindrons ainsi les quatre corps d'un bouddha[2].


Démonstration de notre propre nature de Bouddha
à l'aide de neuf exemples


1. Un bouddha dans un lotus

La nature de bouddha est cachée en nous telle un véritable bouddha caché dans un lotus. Bien qu'il nous soit impossible de le voir, un bouddha pourrait se cacher dans un lotus fermé. De même, cachée dans la fleur du désir, ce voile temporaire, il nous est très difficile de percevoir notre nature de Bouddha. Toutefois, telle une fleur qui se fane ou le corps qui vieillit, nos désirs sont tous temporaires.

2. Les abeilles dans une ruche

Le miel, cette substance merveilleuse, est dissimulé dans la ruche que des abeilles agressives protègent. Notre nature de bouddha, elle aussi, est cachée dans le poison de l'aversion, ce poison qui fait que l'on veut du mal à ceux qui nous dérangent.

3. Un grain dans sa gousse

Tel un homme confus qui ne voit pas le grain de riz caché dans sa gousse et qui croit qu'il n'existe pas, notre propre nature de bouddha est voilée par notre confusion. Les êtres ordinaires sont endormis d'un sommeil profond dans les draps épais de cette confusion.

4. De l'or dans un tas d'ordures

Il ne nous viendrait jamais à l'idée de chercher un lingot d'or dans une poubelle. Du fait de sa répugnance, nous en déduisons faussement qu'elle ne peut pas receler d'or. Nous sommes donc aveuglés par notre fausse croyance qu'une nature de bouddha n'existe pas à l'intérieur des trois poisons de l'esprit. Toutefois, en nettoyant l'esprit par la pratique du Dharma et de la sagesse, nous trouverons la précieuse nature de bouddha enfouie en nous.

5. Un trésor caché sous la terre

Une famille pauvre possède sous sa maison un trésor d'une valeur inestimable. Si personne ne leur dit et que la famille ne le recherche pas, il est impossible qu'elle puisse découvrir ce trésor. De même, tant que les pratiquants du Hinayana n'ont pas dépassé cette ignorance, ils ne peuvent accéder à la voie du Mahayana.

6. Potentiel d'une semence à produire un fruit

Une semence, pour qu'elle produise un fruit, a besoin des conditions telles que l'eau, le soleil ou l'engrais. Notre nature de Bouddha a également besoin des qualités de l'amour, de la compassion et des deux accumulations de mérites et de sagesse pour contrer la saisie du soi de la personne en développant son antidote, la sagesse du non-soi de la personne.

7. Une statue de bouddha dans un vêtement sale

Sous un vêtement repoussant se cache une merveille. Cela fait analogie ici avec la saisie subtile du soi de la personne qui est le voile à l'Omniscience. On doit développer ici une sagesse encore plus subtile.

8. Un empereur universel dans le ventre d'une femme pauvre et sans protection

Si une femme pauvre et sans protection sait qu'elle mettra au monde un futur roi, ses chagrins et ses inquiétudes seront terminés sur-le-champ, car elle saura qu'elle obtiendra tout ce qui lui plaira et n'aura plus à s'inquiéter de son sort. De même, en réalisant la sagesse qui met un terme à la saisie grossière du soi des phénomènes, nous pourrons, tel un roi, obtenir et faire tout ce que nous désirons. Il s'agit ici de la progression sur les sept terres impures des boddhisatvas.

9. Une statue de bouddha dans un moule

Juste avant d'atteindre l'omniscience, nous devons nous départir du dernier voile, ici le moule, qui obstrue l'accès à la connaissance. C'est en appliquant les antidotes à la saisie subtile du soi des phénomènes que nous y arriverons, sur les trois terres pures des boddhisatvas.

Les quatre premiers exemples s'appliquent aux êtres ordinaires sur les chemins de l'accumulation et de la préparation. Le 5ième exemple s'applique aux arhats du Hinayana. Les 6ième et 7ième exemples s'appliquent aux aryas du Hinayana sur les chemins de la vision et de la méditation respectivement. Les deux derniers exemples s'appliquent aux aryas boddhisatvas.

Voici également des points importants à retenir par rapport à l'éveil progressif de notre nature de bouddha.

Les moyens employés pour éveiller cette nature de bouddha

Bien qu'elle soit latente en nous, c'est par la prise de refuge et les accumulations de sagesse et de mérites que nous éveillons notre nature de bouddha. Sans cela, elle serait comme une graine sans eau et sans soleil et ne pousserait pas.

Les signes d'éveil de notre nature de bouddha

Pour le pratiquant du Hinayana, ces signes sont: de forts sentiments de renonciation et de dégoût en pensant aux fautes du samsara, tellement que cela peut le faire pleurer. D'un autre côté, il éprouve une joie immense en pensant aux qualités du Nirvana et il a une grande persévérance dans la mise en action de son objectif.

Pour le pratiquant du Mahayana, en plus du dégoût du samsara, s'accompagne le fort désir de sauver tous les êtres sensibles de cet océan de souffrances. Dans une grande compassion et un grand amour, il souhaite les mener à l'état de félicité de la bouddhéité. Des sensations très fortes telles que des tremblements, une chaleur interne, des pleurs, la chair de poule ou un grand bonheur reliées à ces pensées montrent réellement que notre nature de bouddha s'éveille.

Une fois débuté l'éveil de cette nature de bouddha, comment orienter l'esprit sur la voie

Un bon médecin donnera au malade le médicament approprié à son type de maladie. Le Bouddha a aussi enseigné différents niveaux de pratique pour les êtres aux motivations et aux capacités différentes (petite, moyenne ou grande capacité). Nous devons aussi pratiquer la capacité qui convient à notre situation, suivant les différentes étapes du Lam Rim.

Les bénéfices de l'éveil de notre nature de bouddha

Évidemment, étant sur la voie, nous atteindrons plus rapidement l'état de Bouddha. De plus, nous intégrons le Dharma plus rapidement à notre conscience, notre effort joyeux croît et nous ne sommes plus soumis à renaître dans les royaumes inférieurs.

La définition de notre nature de bouddha

C'est elle qui nous permet d'obtenir le corps de bouddha, si on met en place les bonnes conditions.

La lignée de notre nature de bouddha

De façon générale, on parle de lignée royale ou de lignée familiale. Ici, la lignée se réfère plutôt à la lignée de notre propre nature de bouddha et de la nature de bouddha à porter à maturation. Ces deux lignées se continueront jusqu'à donner le fruit, c'est-à-dire les quatre corps d'un bouddha, les corps de vérité et de sagesse primordiale pour la première lignée, ainsi que les deux corps de forme (corps d'émanation et corps de jouissance) pour la deuxième.

Comment délimiter cette nature

Définie d'une manière générale, cette nature a débuté depuis des temps sans commencement et se continuera même après avoir atteint l'éveil. D'une manière spécifique au Mahayana, cette nature s'éveille dès l'entrée dans le premier sentier de l'accumulation et termine son développement au dernier moment du sentier de méditation, moment juste avant l'éveil.

Comment l'identifier

Sans cette nature de bouddha comme base, la voie des aryas ou aucun niveau de voie vers l'éveil ne pourrait être pratiqué. Si nous le pouvons, c'est donc qu'elle existe réellement.

Lorsqu'on étudie ces différents enseignements, il est important de bien faire la différence entre les deux types de soutras enseignés par le Bouddha, certains étant de sens définitif, d'autres étant de sens interprétatif. Nous devons comprendre le contexte dans lequel le Bouddha a donné ces enseignements, le type d'êtres à qui il enseignait, leurs capacités, leurs motivations, etc. Par exemple, à certains êtres paresseux et non enclins à l'étude ni à l'effort, le Bouddha a enseigné que la simple prière pourrait les mener à l'éveil. Cela est impossible, mais en leur parlant ainsi, ceux-ci ont généré la confiance en ses paroles et ont pu ainsi développer leur intérêt et leur effort par la suite. Également, dans Le soutra du coeur, il est dit qu'il n'y a pas de forme, de conscience, pas de souffrance, de cause de la souffrance, etc. Il faut comprendre ici qu'il y a un sens caché, que ces choses existent en fait, mais qu'elles n'existent pas de manière autonome et sont totalement interdépendantes. Il est donc nécessaire d'user de raisonnement dans l'étude du Dharma.

[1] Ne pas confondre ici avec les quatre écoles de la philosophie bouddhiste tibétaine (Sakya, Guélouk, Nyingma et Kagyu), partageant toutes la même vue philosophique et nommées seulement en fonction de leur contexte géographique, temporel ou culturel.

[2] Le mot corps ici ne désigne pas un corps au sens propre, mais bien un terme pour indiquer les quatre phénomènes survenant simultanément au moment de l'éveil.


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